it comes and goes in waves

depuis combien de temps vivez-vous à springwood ?
les king sont en ville depuis des générations, tant et si bien qu'il y ont bâti leur propre fortune. Tom en connaît chaque recoin et s'il s'y plaît, persuadé d'être chez lui dans l'coin, il se délecte également de l'idée que l'université lui ouvrira bien rapidement les bras.

avez-vous entendu parler des étranges histoires que l'on raconte en ville sur le tueur de crystal lake, du tueur en série d'haddonfield ou encore du tueur pédophile mort brûlé dans les années 80 ?
Vicky étant ce qu'elle est, à savoir une source intarissable et infatigable d'histoires horrifiques en tout genre, Tom s'est rapidement perdu dans les méandres de ses contes horrifiques. Incollable sur le tueur masqué de Woodsboro ou les récits de Crystal Lake où il a passé son dernier été, entre la chaufferie macabre et les angoisses d'antan de sa soeur aînée, il n'est pas toujours à l'aise d'évoquer ces sujets.

de quoi avez-vous peur ? commencez-vous à faire d'horribles cauchemars ?
Il a un tas de phobies, Tom, des insécurités qu'il tait depuis toujours pour ne pas être tourné en ridicule. Entre sa peur panique des fonds marins son arachnophobie et sa peur ridicule des extra-terrestres, il est servi. Et puis, y'a cette chaufferie dont il rêve depuis que Vicky s'est remise à conter ses fichues histoires de pédophiles à trois dollars aux mômes qu'elle gardait le soir dernier. Y'a sa soeur, aussi, de temps à autre, qui vient le hanter, comme elle vient hanter Beth qui réveille la maison entière en hurlant au petit matin.

Elle aurait vingt-quatre ans, Abigail, mais elle est enterrée six pieds sous terre depuis qu’elle a dix-sept ans, alors on évite de prononcer son nom. Sa chambre est restée intacte — ils ont une tombe dans leur belle et grande maison, qu’importe les énormes baies vitrées qui lui donne toute cette clarté, qu’importe l’immense jardin et la piscine qui voit naître les plus belles fêtes au cours de l’été. Toute la maison prend vie, mais elle reste morte, Abigail, le coeur arrêté par l’une de ses trop nombreuses terreurs nocturnes. C’est la version officielle, en tout cas // Avec Vicky ça a tout de suite matché. Ils avaient six ans, elle lui a collé son poing sur l’épaule en guise de salutations et ils se sont plus quittés. Elle s’est tout de suite acclimatée chez les King ; Abigail veillait sur elle comme elle a toujours veillé sur Beth et Tom quand Beth et Tom se chamaillaient avec elle comme ils le faisaient à deux. Si Vicky apprenait à jouer au tennis, Tom et Beth chouinaient pour que Père et Mère inscrivent leurs rejetons aux mêmes cours. Si Tom disputait un match de basketball, il pouvait être sûr de voir Vicky marquer le panier décisif et Beth entrechoquer son poing avec le sien. Beth a bien essayé de les pousser à s’inscrire au club de théâtre, mais c’était beaucoup moins drôle que d’envoyer une balle de tennis dans l’oeil de son ennemie, d’après Vicky, alors quand l’été de leur seize ans, elle est devenue monitrice pour le camp Crystal Lake, Vicky et Tom ont suivi // C’est Vicky qui a fait naître son amour (si ce n’est pour elle) pour l’horreur et le macabre. Née à Woodsboro, elle a ramené avec elle l’idée du Stabathon — l’élite lycéenne de Springwood, une fois par an, s’enfile bières et popcorn dans l’immense véranda des King le temps d’une soirée. C’est aussi elle qui a fait naître l’habitude de regarder des vidéos YouTube et reportages Netflix sur les tueurs en série et crime en tout genre // Il ne sait plus quand ça a commencé, Tom. Si c’est une remarque de sa mère sur ses habitudes alimentaires ou s’il s’est monté le cerveau entièrement seul. Heureusement qu’il est bien entouré, que Beth a fini par balancer aux parents qu’il avait un problème — sous étroite surveillance depuis ses douze ans, la porte du Dr. Bearnert est constamment ouverte par la peur d’une rechute et y’a Vicky qui lui file à intervalles réguliers, pensant qu’il n’a pas compris son petit manège, une barre chocolatée entre les mains // Le lycée c’est une partie de plaisir. Il sait faire la différence, Tom : y’a l’entraide des cours avec Beth et Vicky pour briller en salle de classe et puis y’a les couloirs dans lesquels ils paradent quand d’autres se contentent de les longer, la peur aux tripes. C’est qu’ils sont pas les plus doux avec leurs congénères, la chaîne alimentaire étant c’qu’elle est. Entre la mean girl et le bully, ils ont tout du parfait cliché et s’en délectent sournoisement. Ne leur manque que le titre officiel pour assujettir leurs camarades — prom queen and king en devenir, ils sont suffisamment ambitieux pour exiger ce qu’ils veulent. On leur pardonne tout, à c h a q u e fois — Vicky bat des cils devant le professeur et lui organise la fête de l’année pour se mettre les élèves importants dans la poche.