until before after ▪ ft. daddy b

On connaît tous des déceptions. Des trahisons. Ce sentiment que l'on nous plante un couteau dans la poitrine ; lentement, mais sûrement. Cette impression d'étouffer. Cette impression de tomber ; de tomber des nues. Que le monde autour de nous s'écroule. Au départ, c'est l'incompréhension. La confusion. Pourquoi ? Pourquoi ça nous arrive ? Puis, généralement, la colère suit. Une colère incommensurable. Celle qui nous fait vibrer, celle qui nous pousse à des actes que, parfois, on regrette. Et que parfois, non. Celle qui nous pousse à nous couper de ça. De ce qui est en train de se passer. Parce-que, généralement, une déception ou une trahison, ça n'a rien d'agréable. Ça nous fait un mal de chien. Ça nous déchire le cœur plus que notre fierté aurait aimé l'admettre. Et dans certains cas, ça brise carrément l'illusion que l'on se faisait de certaines relations.

Cet entremêlement de ressentis, c'est ce que Nora a eut l'occasion d'expérimenter lorsqu'elle était plus jeune. C'est probablement ce que sa douce maman a subit aussi. Si aujourd'hui elle semble se porter pourtant plutôt bien, continuant malgré ses erreurs à défendre un père renié par sa propre fille, cette dernière est loin d'adopter cet état d'esprit. Les messages, à ses anniversaires, à Noël ; aucun n'avait su lui tirer le moindre sourire. En réalité, ils faisaient remonter des souvenirs, de douloureux souvenirs. Et l'existence d'une personne qu'elle aimerait oublier. Si son père avait su lui décrocher quelques mots ces dernières années, elle, demeurait silencieuse. Silence radio complet. Il ne méritait pas la moindre attention d'elle. Il ne méritait même pas que sa mère parle encore de lui comme s'il n'était pas un homme si mauvais que ça. Peut-être qu'elle ne le réalisait peut-être pas, mais Nora restait dans une rancune certaine, et son ego refusait de s'y détacher.

L'éviter était devenu un quotidien auquel elle s'adonnait ; aujourd'hui inconsciemment. Elle ne fréquentait pas les endroits qu'il fréquentait, de toute manière. Et c'était tant mieux. Si Nora était une jeune femme pourtant assez stable, le sujet concernant son père était bel et bien celui capable de la faire sortir de ses gonds et l'emporter dans une terrible fureur. Au fond, qu'est-ce qu'elle refusait d'affronter ? Ce fameux sentiment, les actes que son père a commis, ou la personne en elle-même ? Elle ne le savait même pas. Elle essayait, notamment, de ne pas y penser. De ne pas le laisser lui gâcher la vie qu'elle a bâtit. Entêtée, peut-être. Fière, sûrement. Mais il y avait des actes qu'elle ne pouvait pas pardonner ; encore moins venant d'une personne aussi proche d'elle. Alors, imaginez un peu son désespoir lorsque, pour la première fois depuis des années, elle revit son visage. L'idée de fuir. De partir en courant. De s'extirper le plus vite possible d'une situation qui allait instaurer un malaise et des retrouvailles telles qu'elle n'était pas sûre de les supporter.

S'il y avait bien quelque chose d'autre, aujourd'hui, qui l'avait sortie de son quotidien, c'était bien une intervention au domicile d'une personne âgée tout juste rentrée de l'hôpital et qui n'avait pas eu la capacité de s'y rendre aujourd'hui pour son examen habituel de la semaine. Nora avait été celle désignée pour se déplacer et à aller l’ausculter à son appartement. Et s'il y avait bien autre chose, c'était que, peut-être que son père arrivait à avoir des nouvelles de sa fille, mais Nora, elle, fermait les oreilles dès qu'on essayait de lui parler de lui. Sa première déduction, c'était qu'il habitait probablement dans le même immeuble que cette vieille dame, lorsque les portes de l’ascenseur découvrirent son visage si familier. Merde. Et puis les choses se sont passées vite, très vite. Elle a voulu se retourner, pour s'en aller. Les escaliers, finalement, étaient une parfaite option. Sauf que les portes s'étaient déjà refermées à son passage. Son premier réflexe fut d'appuyer sur le bouton pour les rouvrir ; et à cet échec, son deuxième fut de taper de rage deux fois contre elles. Finalement, elle laisse échapper un soupire de frustration. Bloquée avec l'un de ses pires cauchemars.

situation bien complexe dans laquelle elle rêvait ne jamais se mettre. si elle avait pu l'éviter pendant de nombreuses années ; tôt ou tard, il fallait bien qu'elle l'affronte. mais pas aujourd'hui. pas maintenant. elle n'était pas prête. l'aurait-elle seulement été un jour ? elle en doute, à vrai dire. se retrouver nez à nez à l'un de ses démons. au fond, c'était lui qui hantait plus ses cauchemars que le croque-mitaine lui-même. si elle était ne serait-ce qu'un peu folle, elle se serait dit que les deux étaient même la même personne. mais non, son père n'était qu'un homme de plus sur terre, qui accumulait les erreurs comme les bonnes choses - probablement, pouvait-elle supposer - et nora n'était malheureusement qu'un dégât collatéral. et elle détestait ça. dieu qu'elle détestait ça. les ressentis qui l'envahirent n'étaient pas non plus désirés une seule seconde, et c'est vaincue qu'elle se retrouva face aux deux portes de métal, décidées à bien rester fermées ; à la laisser dans sa merde. une merde de laquelle il fallait qu'elle se sorte toute seule.

à dire vrai, il ne l'avait pas cherchée, cette fois-ci. il semblait aussi perplexe face à la situation à laquelle ils étaient confrontés, et elle pouvait bien lire dans ses yeux une certaine surprise. il ne devait pas s'attendre à la voir ici, non plus ; et encore moins qu'une occasion comme celle-ci se présenterait. « nora... » elle l'entend du fond de sa gorge. elle ne supporte même plus qu'il prononce ce prénom, prénom pourtant consciencieusement choisi par ses soins et par ceux de sa mère. pourtant, elle se retourne, et le toise du regard en se collant aux portes. elle ne répond rien, pour le moment. qu'est-ce qu'elle pouvait dire, de toute manière ? délicat, tendu. il reprend la parole, nullement stoppé. « est-ce que... est-ce que tu vas bien ? » ses paroles, elles sont dites de manière maladroite, elle le sent et elle le sait bien. mais la colère qui s'empare de son cœur ne peut s'empêcher de s'exprimer à travers la voix dure et froide de la jeune femme. « il faut contacter le réparateur. je n'ai pas tout mon temps à perdre ici. » sa question, elle l'ignore complètement, malgré son ton employé. son pouce vint presser un bouton de l’ascenseur, espérant qu'elle sortirait d'ici le plus rapidement possible. et, finalement, dans un élan, elle se retourne vers lui. elle a l'impression de laisser sa rage la contrôler. « qu'est-ce que tu fais ici ? tu me suis ? » non, évidemment que non. la réponse à sa question, elle l'avait déjà ; mais le blâmer, lui rejeter la faute, éternellement, c'était bien plus facile. plus facile de lui faire face comme ça.

Le souci, à perdre la complicité entre ses parents, c'était la culpabilité. La culpabilité de l'enfant. C'était un trait qui s'annonçait souvent dans la situation dans laquelle Nora avait été entraînée malgré elle. C'était aussi une raison qui la poussait à blâmer tant que ça son propre père ; bien trop rongée depuis bien trop longtemps par une culpabilité cachée au plus profond de son elle, qui se délectait de ses entrailles d'une manière bien secrète, si secrète qu'elle le niait. Tout d'abord, elle se montre froide, et les insultes fusent dans son esprit, traversent sa tête ; mais sa gorge demeure un frein. Puis, elle l'accuse de la suivre. Paranoïaque, c'était un de ses défauts. Une des bizarreries que la jeune femme gardait dans un coin de son cerveau, malgré elle. Des médicaments, qu'elle prend quotidiennement, l'apaisent suffisamment pour qu'elle puisse passer pour quelqu'un de sain d'esprit. Quelqu'un de normal. « J'habite ici... je t'avais envoyé ma nouvelle adresse par sms, je pensais que tu savais ça... enfin vu que tu me réponds jamais, j'imagine que tu ne les lis pas non plus. » L'évidence la frappe, se maudissant de ne pas avoir réfléchi d'avantage avant de mettre les pieds dans cet immeuble. Fierté qu'elle refusait pour le moment de mettre de côté, en revanche, elle n'allait pas lui avouer qu'elle lisait chacun de ses textos. Pas tout de suite, en tout cas. Fierté qui lui hurlait pourtant de ne rien ouvrir lorsque la notification s'affichait sur l'écran de son téléphone portable, mais poussée par un besoin particulier de le faire quand même.

« Est-ce qu'on pourrait parler calmement ? Si l'ascenseur est en panne, ça va prendre des heures avant que quelqu'un ne vienne. » Malgré elle, il soulevait un point qu'elle ne pouvait contester. Elle lâcha un soupire, un lourd soupire. Elle était embêtée, c'est clair, mais il était certain qu'ils allaient être coincés ensemble ici un petit moment. « Je suppose que tu as raison. » Admit-elle avec difficulté. D'un geste soudain, elle laissa son corps retomber, fesses sur le sol, et recroquevilla ses jambes contre elle. Quitte à attendre, autant attendre assise. « Je sais que tu m'en veux et que tu me détestes peut-être. Mais tu es ma fille et j'aimerais arranger les choses. » La colère, elle était toujours loin. Mais elle se manifestait désormais d'une autre manière. Elle lui déchirait le cœur. Encore une fois. Les souvenirs lui déchiraient l'organe qui pompait et rejetait le sang, un sang chaud dans les veines d'une demoiselle perdue dans ses propres sentiments. Plusieurs secondes s'écoulèrent, Nora fixant le sol, avant qu'elle ne reprenne la parole. « Tu peux remonter le temps ? » Évidemment que non. Et peut-être qu'au fond, ça n'aurait rien changé. Au fond, c'était peut-être une blague plus pour détendre l'atmosphère qu'autre chose. Et là, elle se sentit fatiguée. Lassée de la situation dans laquelle le leader de leur famille les avait mises. Elle n'avait pas la force ni la détermination de maman, qui elle, avec les années, a su passer outre toute cette histoire. Mais Nora, elle, était marquée profondément. Il allait probablement falloir plus que quelques mots pour remonter la pente dans une relation aujourd'hui branlante. Des explications étaient déjà un début, des excuses si elle avait le cœur de les entendre. Une question qui lui brûlait les lèvres, et qu'elle finit par poser assez brutalement ; elle attaquait vif dans le sujet. « Pourquoi t'as fait ça ? »