(marco) Les roses ont des épines

« Sur une feuille de papier, tout s’écrit en quelques mots »

Ma vie…ma…vie…Elle se résume à bien des choses, et à tellement peu en même temps. Comme un chant incongru, simple, sans fin. Et sur cette feuille de papier, je peine à expliquer, à comprendre comment j’en suis arrivé là. Fils d’un monde extérieur, d’un monde aux couleurs inaperçue et pourtant caressées du bout des doigts. Tragédie que voilà, que de voir le jour dans un monde aux palettes multiples sans jamais pouvoir en apprécier les saveurs. Fils de Cuba, des chants espagnoles, des rires envoutants. Enfant où dieu existe bien, trop présent, trop oppressant. Famille catholique jusqu’au bout des ongles et pourtant, si ouverte quand il s’agit d’aimer son prochain tel qu’il est vraiment, véritablement. Je me souviens encore de mes rires d’enfant, des regards posés sur moi, des caresses de ma mère au soleil couchant, des sourires de mon père au réveil joyeux. Les odeurs d’œufs, de bacon et mes retrouvailles avec ceux que je considérais comme mes amis. C’était beau, c’était simple…tellement en harmonie avec ce cœur qui battait dans ma poitrine. Huit années où les rêves trônaient sur la réalité. Huit années d’inconscience, d’insouciance. Mais la vie est destinée à arracher les joies, à capturer les entrailles pour les briser, les étouffer. C’est cette sensation qui m’a enserrée lorsqu’un matin, mes parents m’ont murmuré qu’il était temps pour nous de poser les pieds sur un autre continent. Visa en poche, le monde serait plus beau là-bas, l’herbe serait plus verte…mais comment distinguer cette verdure si il m’était incapable de la discernée ? Mon cœur, dans un certain sens, semble s’être déchiré en deux pour rester à Cuba, la seconde partie reposant mollement dans ma cage thoracique en attendant de battre de nouveau. Adieu Cuba, bonjours Springwood. Le climat change, les visages s’effaces, se remplacent…

L’enfant ne trouve pas sa place, comme lâché dans une arène dont il ne comprend pas les règles. Des personnes plus simples, moins fermées d’esprits, mais tout aussi complexes à comprendre. J’étais perdu vous savez…tellement perdu et c’est probablement pour cette raison que mon monde a fini par devenir trop lourd à porter. Les années s’écoulaient, mais le cœur semblait en repos constamment. Papa, maman, j’étouffe…et mon échappatoire fut terrible. La drogue. A seize ans, elle commence par un simple joint. Pas assez fort, pas assez enivrant pour me faire oublier le creux qui résonne. Le temps s’efface, la drogue devient plus dure, devient plus mortelle. Bientôt, ce n’est plus par les lèvres que la fumée s’engouffre, mais le liquide glisse dans les veines. Déconnection totale, le poids s’enlève l’espace de quelques heures, de quelques instants. Papa, maman, j’étouffe toujours, mais je le supporte mieux…

Fréquentations douteuses, parents qui pleurent en silence devant la destruction de cet enfant qui fut le leur. Je voyais le mal que je faisais, que j’imposais…j’étais pourtant incapable de m’arrêter. Une nuit, alors que j’avais 22 ans, la mort toqua à ma porte, me frôla du bout de ses doigts crochus. Overdoose. Le corps ne supportait plus les piqures constantes, le mental ne supportait plus la souffrance…Mais l’heure n’avait pas sonnée et la lumière perça dans l’obscurité. Je devais changer, j’ai été trop loin, bien trop loin. Ce malaise, je dois le combattre, je dois l’effacer pour me repentir de mes fautes, de mes erreurs. Ils doivent cesser de souffrir, je dois cesser d’être le bourreau de ces larmes. C’est vers un psychiatre que j’ai été envoyé, une cure de désintoxication de plusieurs mois et le corps semble redevenir sain. Mais la vie ricane, s’acharne alors que mon confident décède d’une crise cardiaque. Envoyé chez son confrère à la sortie de cure, c’est là que j’ai croisé son regard pour la première fois. Adonis. Dieu que son prénom lui allait bien, seigneur ne m’en veut pas pour les picotements au fond de mes tripes et des envies qui s’éveillent. Mais je me tais, je me contente de parler, de lui conter mes peines, mes souffrances, mon mal-être. Une relation psychiatre – patient. Rien de plus, du moins, jusqu’à ce que nous chemins se croisent sur cette application de rencontre pour jeunes hommes homosexuels.

C’était mal…mais ce verre, j’ai été le boire avec lui envers et contre tous. Pas de psychiatre, pas de patient, juste Adonis et Marco, Marco et Adonis. Pris de remords, je change de psychiatre, refusant de jouer à ce jeu dangereux et de mélanger bien des plaisirs…du moins, c’est ce que je voulais, ce que je songeais. Mais il s’éloigne, me tient éloigner, me repousse dès que le rapprochement se fait plus grand. Et je le déteste, et je me déteste et je nous déteste. Comme l’amertume me semble douce lorsque je repense à cette substance qui pourrait me faire oublier ses yeux…comme l’amertume est amère lorsque je songe que je devrais juste le laisser continuer et ne plus le revoir.