heartattack (ADDISON&LION)

Encore un de ces cauchemars. Encore un de ces visages fantomatiques qui le poursuivait jusqu’au bout de la ville avant de l’égorger, une fois encore. Le sang qui coulait sur ses mains qui tentaient d’épancher le flot de carmin qui dégoulinait de son larynx. A chaque fois, il se réveille en sursaut, le corps ruisselant d’une couche de sueur si épaisse qu’elle trempe les draps de son lit, à tel point qu’il est obligé de changer le linge.

Et comme à chaque fois, il n’arrive pas à se rendormir. Le sommeil le fuit, il n’arrive pas à le garder et ce n’est pas faute d’avoir essayé des traitements divers et variés, mais rien ne fonctionne. Tout ce qu’il a à faire, c’est de rester éveillé et de tomber de fatigue dès qu’il le peut. Lion est une pauvre âme en peine qui n’arrive pas à fermer l’œil alors qu’il devait être dans les bras de Morphée depuis longtemps. Son corps nu repose sur le canapé de son appartement, devant une télévision qui tourne dans le vide. Il n’est pas vraiment là, son esprit est entré dans une forme de catatonie dont il n’arrive pas à s’extirper.

C’est alors que la douche froide arrive, le tirant de sa moiteur affreuse. Il déraille et ce n’est que l’eau glacée qui parvient à libérer ses peines. Sortant alors de sa torpeur, il finit par s’habiller avec un vieux t-shirt et un short rapiécé rapidement et constatant qu’il n’est que cinq heures du matin, il décide de se rendre dans son atelier pour tenter de faire en sorte que son esprit puisse s’évader ou au moins trouver une paix légère.

Le mélange des peintures se fait rapide, mais il ne parvient pas à trouver la teinte qui lui faudrait, il tente alors autrement. Les combinaisons sont nombreuses mais toujours cette petite différence qui fait qu’il n’est pas satisfait de celles-ci. Il tente alors autrement en visant d’abord le dessin pour réfléchir autrement. Lion cherche à atteindre un gris sombre tirant sur un bleu foncé. Malheureusement, l’entreprise semble plus compliquée qu’elle en a l’air.

Il grimace avant de se passer une main sur le visage, ne se rendant pas compte par la même occasion qu’il se met de la peinture partout dessus. Il lui faut un café, alors le brun se dirige vers la cuisine, les pieds nus afin d’aller mettre la cafetière en marche. Au bout d’un moment, c’est sa tasse à la main et la cigarette au bord des lèvres qu’il observe l’esquisse de son futur tableau. Il y en a plein qui sont entassés dans un coin d’une pièce, il en a fait don d’autres à l’orphelinat où il travaille ou encore à sa famille. Certains lui disent qu’il a du talent et qu’il ferait mieux de tenter de les afficher dans une galerie d’art car les tableaux pourraient se vendre. Il n’est pas idiot, il sait très bien qu’il est loin d’être parfait dans ses créations alors il a toujours relégué cette idée au rang de fable qu’il se raconte.

Lion écrase son mégot dans le cendrier de son bureau avant d’attraper son pinceau pour débuter les courbes de couleur, tant pis pour le gris, il fera autrement. Les poils glissent sur la toile en suivant les courbes dessinées au crayon carbone. Le motif ne représentera rien pour ceux qui regardent, mais pour lui, il s’agit de sa souffrance, de son manque de sommeil, et tout cela s’exprime au travers de son art que d’autres tenteront d’analyser mais que peu n’arriveront à percer. Lion ne saurait dire exactement combien de temps il reste ainsi, à peindre et à remplir les grands espaces blancs, mais en tout cas la lumière de toutes les pièces de l’appartement se met à clignoter, annonçant qu’une personne sonne à sa porte. Il a décidé de mettre cela en place pour palier à sa surdité unilatérale, pour éviter de fatiguer l’autre oreille qui a l’air pour le moment de remplir son rôle.

Lion finit par aller ouvrir, ne faisant même pas attention à la tenue dans laquelle il se trouve, et pourtant il aurait dû. Un t-shirt sale couvert de peinture, un short troué qui laisse presque apparaître son anatomie et de la peinture partout sur les mains et le visage. Pourtant, tout ce qu’il fait, c’est sourire en voyant Addison dans l’encadrement de la porte, des viennoiseries dans les mains et toujours cet air charmant au visage. Son palpitant déraille quand il le voit, prêt à exploser tant la surprise est chaleureuse.

– Addy, quel plaisir de te voir, entre.

Le brun se décale pour laisser passer le bel adonis et referme la porte d’entrée derrière lui. Les deux hommes finissent par se diriger dans la cuisine où Lion invite Addison à s’asseoir sur une des chaises entourant la table.

– Que me vaut le plaisir de ta visite ? Tu veux un café ? Un thé ?

C’est maintenant qu’il se retourne pour regarder le micro-onde qu’il voit son reflet et qu’il comprend dans quelle tenue il est. Et le pire c’est qu’il sait très bien quel short il a mis maintenant, celui avec un trou au niveau de la fesse droite.

– Oh quelle honte ! Je suis désolé pour la façon dont je suis habillé, qu’il lui dit en ayant les pommettes qui rougissent.

Parfois, je rêve de pouvoir me transformer en un superhéros qui aurait la capacité de récupérer automatiquement après chaque mauvais coup. Qui parviendrait à cicatriser en un rien de temps pour ne pas avoir à payer les conséquences d’actes héroïques. Une régénérescence cellulaire ne serait pas de trop pour affronter certains de nos appels. Être héroïque, je ne le fais pourtant pas dans cette optique-là. Je ne me confronte pas au danger comme le ferait un suicidaire en mal de sensations fortes. Je prends toujours soin de me tenir le plus loin possible de la Grande Faucheuse mais mon métier ne me laisse pas toujours le choix. J’ai signé pour servir et protéger mon pays. Je ne suis pas un militaire mais je réagis comme eux lorsque le danger menace de s’abattre sur notre population. Je suis le premier rempart, celui qui empêche les pires tragédies de gagner en ampleur. Je suis là pour désamorcer les bombes à retardement que peuvent parfois être les feux. Lorsque je me suis engagé dans cette voie, j’ai accepté les risques et les conséquences d’une telle exposition à la fumée. Tu sais que les pompiers qui ne meurent pas lors d’un appel n’ont pas une espérance de vie très étendue. Le cancer ne manque jamais une opportunité de les affaiblir et de les emporter dans son sillon. Quitte à mourir, je me suis toujours dit que je préférais que ce soit sur une intervention. Sur mes propres termes, dans le but de sauver des vies plutôt que d’être terrassé par une saloperie, dans l’ombre. Est-ce égoïste ? Maintenant que Lion est là, ancré sous ma peau et qu’il se fraie un chemin au beau milieu de cette équation, je pense forcément que oui.

N’allez pas croire que j’aime ressortir d’une longue garde dans un tel état. Il m’est néanmoins impossible de ne pas prendre les bonnes décisions par peur des conséquences. J’ai pris un mauvais coup ce soir avec l’explosion, j’ai bien conscience qu’elle aurait pu m’être fatale mais sans cela… Sans ce risque, l’explosion aurait pu emporter le quartier dans son sillage. Face à un tel constat, tant pis si je dois implorer l’aide de mon petit-ami pour retirer mon pantalon. Je suis prêt à ravaler ma fierté comme je le fais maintenant, en implorant son aide. Il entre dans la pièce et déjà je sens son regard changer. Tu te doutais qu’il serait effrayé par cette vision. À sa place, tu l’aurais été. Voilà pourquoi tu voulais être le plus habillé possible pour qu’il ne puisse pas être directement confronté à cet hématome mais… Mais la douleur a décidé de te faire emprunter une autre direction. Je m’agrippe à la vasque près de nous deux, comme il me le demande. « J’suis désolé, ce n’est pas très romantique… J’ai extrêmement honte ! » Je n’ai pas peur de l’admettre. Je me sens moins que rien, j’ai honte de moi, de me montrer sous un tel jour, dépendant. Je ne le suis pourtant pas, en temps normal.

Le silence me gagne lorsque ses doigts s’aventurent contre mon boxer qu’il prend soin de me retirer également. Je frissonne, forcément tenté d’imaginer un autre scénario en l’observant ainsi, à genoux devant moi. Je frémis, me mordille la lèvre et… Tu exploses de rire, encore une fois, et tant pis pour la douleur. Tu n’imaginais pas qu’un tel service puisse aboutir sur une… Biffle. « Je… Oui… Je file dans la douche. » Fou rire, la fatigue, les nerfs, le contexte, l’image ancrée pour toujours et à jamais dans ma mémoire. J’ai un mal fou à reprendre le dessus. « Pardon c’est juste… » Nouvel éclat, couplé à un grognement de douleur. Cette soirée est parfaite, sur tous les tableaux, et je l’aime encore plus après cela. Il est fait pour toi. D’hilare à ignare. J’ai bien du mal à profiter de cette douche pourtant libératrice. Je me suis surestimé à nouveau et Lion semble l’avoir compris puisqu’il n’a pas besoin d’un mot pour se rapprocher et prendre là relève sous mon regard admirateur. « Je suis le plus chanceux des hommes, vraiment… Je n’aurais jamais pu rêver mieux. » Je parle doucement, tendrement en le regardant faire et accepte de me retourner pour le laisser faire. Ses mains me font réagir, forcément, mais sa douceur m’apaise et semble momentanément terrasser la douleur. Il me vole un baiser et s’échappe alors que j’en quémandais encore.

La sonnerie m’alerte et me pousse à accélérer la cadence. « Mon portefeuille est près de la porte d’entrée, avec mes clés. Prends ce qu’il faut pour régler l’addition ! » J’hurle depuis ma chambre dans laquelle je me sèche et enfile un caleçon rapidement ainsi qu’un bas de jogging et un marcel. « J’espère que tu n’as pas opté pour une pizza hawaïenne, j’demande le divorce cash sinon ! » Jamais à court de taquinerie, je me glisse contre son dos pour embrasser sa nuque. « J’ignore de quoi j’ai le plus faim, de ces délicieuses pizzas… Ou de toi ! » Je termine, en un murmure, au creux de son oreille entièrement valide.
 

Addison est gêné de la situation initiale, et il se met à rire au moment le plus honteux de toute la vie de Lion, tandis que ce dernier essaye de faire bonne figure, mais ce n’est pas facile quand l’autre se moque, même s’il ne le prend pas mal, son âme en souffre légèrement. Ce souvenir restera marqué à l’encre indélébile, alors qu’il n’aurait jamais dû arriver, et combien Lion en a honte, d’être arrivé dans une situation pareille. C’est absolument impensable qu’ils finissent pas l’oublier un jour, bien malheureusement.

Cependant, cet évènement est vite balayé lorsqu’il faut aider Addison à se laver, ce dernier ayant beaucoup trop mal pour atteindre certaines zones de son enveloppe charnelle. C’est le brun qui s’agenouille pour savonner ses parties inatteignables, faisant de son mieux pour aider celui pour qui son cœur bat beaucoup trop vite.

Il fait en sorte que ce soit le plus doux possible, mais se dépêche malgré tout, il ne veut pas rester ici, il a besoin de partir pour souffler un grand coup après ce qui s’est passé. De toute façon, le livreur finira par arriver, et il n’a pas envie de le faire attendre. Quelle bonne excuse n’est-il pas ? Il s’en moque éperdument, seule compte sa dignité pour le moment. D’autant plus qu’elle a été mise à rude épreuve.

– Je suis le plus chanceux des hommes, vraiment… Je n’aurais jamais pu rêver mieux.

Lion secoue la tête. Sachant pertinemment que l’on peut toujours avoir mieux, chaque personne a une version plus forte d’elle-même, d’autant plus qu’il possède beaucoup trop de failles, des parcelles de son être qui sont prêtes à s’effondrer depuis bien longtemps. Il essaye de colmater les brèches avec du sparadrap, mais ces protections sont inutiles, un jour ou l’autre tout craquera, et lui avec.

Alors que sa tâche est achevée, il s’esquive de la salle de bain, restant torse nu, son t-shirt laissé dans la pièce sans qu’il n’ose aller le chercher à nouveau. Ne voulant pas recroiser le regard d’Addison pour le moment. Toujours aussi honteux, il entend la sonnerie de l’appartement retentir.

– Mon portefeuille est près de la porte d’entrée, avec mes clés. Prends ce qu’il faut pour régler l’addition !

Bien évidemment, il va laisser payer le blond, et puis quoi encore ? Non, Lion prend sa sacoche pour en sortir son portefeuille et va ouvrir au livreur. Il règle d’abord la somme qui est due avant de prendre les cartons en remerciant l’homme ayant fait le trajet. La porte est fermée et verrouillée avant qu’il ne retourne dans le salon pour déposer le repas sur la table basse.

– J’espère que tu n’as pas opté pour une pizza hawaïenne, j’demande le divorce cash sinon !

Non mais qui mange de la pizza hawaïenne de toute manière ? Des ananas sur une pizza ? Pourquoi pas de la banane aussi tant qu’on y est. Les gens ont de drôles de goûts. Non, il a pris des choses plus traditionnelles, une à la sauce barbecue et à la viande hachée et l’autre aux quatre fromages, il en a pris deux petites, comme ça ils auront la moitié d’une pizza duo chacun.

C’est à ce moment qu’il sent son souffle venir caresser sa nuque, et sa bouche au creux de son oreille valide. Soufflant cette légère excitation qui point au creux de ses reins, les mots viennent le toucher en plein dans son orgueil.

– J’ignore de quoi j’ai le plus faim, de ces délicieuses pizzas… Ou de toi !

Mille frissons envahissent son enveloppe charnelle,ayant la chair de poule, il se retourne et lui sourit doucement en le regardant, posant son nez contre le sien et l’embrassant du bout des lèvres.

– Ce ne serait pas raisonnable avec ton hématome, murmure-t-il en venant attraper la lèvre inférieure d’Addison entre ses dents pour la mordiller délicatement.

Il s’esquive à nouveau pour aller dans la cuisine chercher un grand couteau afin de couper des parts dans les pizzas, revenant promptement, il s’installe dans le grand sofa en aidant son beau blond à en faire de même.

Démarrant le service, Lion donne une part à Addison avant d’en prendre une pour lui également, réfléchissant quelque peu au sens que sa vie va avoir maintenant qu’il n’est plus seul, réfléchissant aussi à la meilleure façon d’annoncer cela à Chris, l’autre moitié de sa vie, sa petite sœur dont il est très proche depuis la mort de Trevor. Ils ont toujours tout partagé, et il ne se voit pas garder un tel secret. A quoi bon, il a le temps de toute manière.

– J’espère que tu as des vêtements à ma taille pour demain, je dois aller bosser à l’orphelinat.

Ouais, parce qu’il n’y a pas quarante milliards de façon de ramener de l’argent sur son compte en banque, le travail paye ses factures ainsi que les loisirs qu’il peut se permettre. Combien même il ne gagne pas beaucoup, il n’a pas le choix que de retourner au travail.

Il aurait préféré rester avec lui, c’est certain, mais les enfants n’attendent pas, et ils ont besoin de repères stables pour bien évoluer psychologiquement. C’est un fait, pour qu’ils aient un équilibre psychique, une éducation leur est indispensable.

Enfin, dans tous les cas, ce n’est pas forcément le moment de réfléchir à tout cela, il a bien mieux à faire, et ce bien mieux est assis à ses côtés.

– Bon, dis-moi la vérité, c’était chaud aujourd’hui au boulot ? Je suis pas en sucre, je sais très bien que ça ne s’est pas super bien passé vu ton ventre Addison...

Il préfère savoir, il déteste l’incertitude. Dans tous les cas, il pourra se renseigner autrement. La vie d’un pompier est toujours jonchée de dangers et de risques mortels. Il le sait, mais il n’arrive pas à s’y faire en le côtoyant, et Lion sait très bien que ça ne s’arrangera jamais, pas tant qu’Addison n’aura pas pris sa retraite. Il ne l’empêchera pas de faire ce qu’il aime, mais il ne pourra jamais dormir sur ses deux oreilles en sachant qu’il risque sa vie tous les jours.

La douleur laisse bientôt place à une hilarité qui me fait énormément de bien, même si j’ai conscience qu’elle se fait à l’encontre de mon petit-ami terriblement gêné par la scène qui vient de se produire. Il est rouge, comme une tomate, et je suis profondément attendri par cela, comme toujours. Lion a toujours été un modèle de timidité, de gentillesse et de tendresse. Ce sont les premières choses que j’ai remarqué chez lui avant de sombrer, petit à petit. Il est un homme extraordinaire généreux, passionné et présent. Sa fidélité constitue à elle seule la raison pour laquelle je me suis décidé à arrêter de prétendre ne pas ressentir tout cela, cette attraction, ces sentiments qui me dévorent de l’intérieur et hurlaient désespérément à leur libération. J’ai sauté le pas, lui aussi d’ailleurs. Je me suis peut-être un peu avancé, surtout quand je repense à ce qui aurait pu arriver sous cette douche si mon téléphone ne s’était pas mis à sonner comme il l’a fait. À genoux, dans cette même posture que lui actuellement, avec des objectifs nettement plus sexuels, je n’aurais fait qu’une bouchée de lui, guidé par des émotions qui semblent toujours aussi présentes mais plus facilement contrôlables. Je caresse son visage, embrasse ses doigts, décidément d’humeur à ne pas lui faciliter la tâche alors qu’il me rend un immense service en m’aidant à me nettoyer. L’eau s’écrase, plus si transparente, teintée d’un noir qui n’a d’égal que la fumée qui participait à rendre l’atmosphère irrespirable à l’intérieur de l’usine, qui contribuait à donner au tout une vision apocalyptique comme j’ai l’habitude d’en côtoyer plusieurs par mois. Je n’ai pas honte de dévoiler mes sentiments, de lui exprimer ô combien je me sens chanceux de l’avoir à mes côtés. L’absence d’une réponse, d’un sourire, d’un mouvement me perturbe mais je décide de placer cela sur la timidité liée à ce qui est arrivé tout à l’heure. Je le laisse faire, non sans grommeler lorsqu’il m’abandonne à mon triste sort ici, sous la douche. Je profite de cette solitude pour me sécher les cheveux puis le corps, m’habiller, me parfumer et anticiper sur les pizzas qui viennent d’arriver. Elles ont une odeur fabuleuse, mais rien à côté de celle de mon amoureux dans le dos duquel je me glisse pour l’embrasser, profiter de cette peau, nue, qu’il m’offre maintenant que je tiens son t-shirt en otage. Je ne devrais pas, je le sais, mais j’ai terriblement envie de lui. Ce n’est pas d’aujourd’hui, ça ne date pas d’hier et plus le temps passe, plus j’ai du mal à me faire violence. Hématome ou pas. « Je sais… Maudit hématome ! » Je grogne, pas le moins du monde apaisé par son acte, odieux. Ses dents qui mordillent ma lèvre et font rugir mon être tout entier.

Il est parfait, mon Lion. Pas seulement parce qu’il est aux petits soins, mais parce qu’il ne prend pas la fuite. Il reste à mes côtés malgré cet aspect peu romantique que peut avoir mon job. Supporter un mec diminué, même s’il passe pour un héros aux yeux du reste du monde, ce n’est pas donné à tout le monde. « Ils risquent d’être un peu amples, mais je devrais trouver de quoi t’habiller. On regardera ensemble tout à l’heure, avant d’aller dormir ! » Je profite du silence pour me jeter sur cette première part de pizza sauce barbecue. « Un orgasme culinaire, ni plus ni moins ! » Je ferme les yeux pour en savourer tous les goûts. « Je retire ce que j’ai dit tout à l’heure, je n’ai plus faim que de pizza ! » Un clin d’œil taquin adressé à mon compagnon et je reprends ma dégustation lentement, loin d’être affamé au point de manger comme un goret. Sa requête me fait grimacer. Tu as envie de lui en parler, d’être honnête avec lui mais tu ne veux pas lui donner la moindre petite raison de stresser dès que tu partiras travailler. « Non, ce n’était pas chaud… C’était brûlant… Des appels comme celui-ci, nous n’en avons que deux ou trois par an… Des interventions sur lesquelles nous arrivons en ayant pleinement conscience que tout peut basculer en une seconde… » Je marque une pause pour prendre sa main et la caresser, comme pour apaiser le poids de mes mots. « Nous étions en train d’évacuer les derniers employés de l’usine et la moindre explosion aurait non seulement emporté le bâtiment, mais une bonne partie du quartier dans son souffle avec une telle quantité de produits corrosifs que nous n’avions pas encore eu le temps de sécuriser. Il a donc fallu anticiper en urgence et trouver un moyen de limiter les conséquences d’une première explosion, de la contenir au maximum pour ne pas qu’elle puisse atteindre la salle dans laquelle se trouvaient les produits… » Je marque une nouvelle pause pour reprendre mon souffle et avaler un petit morceau de pizza. « Quand on est là-dedans… Nous n’avons pas le temps de réfléchir aux conséquences de nos actes. Je suis resté en arrière avec mon coéquipier et nous avons improvisé pour créer un rempart… Un obstacle pour dévier la trajectoire de l’explosion… On savait tous les deux qu’on serait au milieu de ce bordel… On l’a fait… On a réussi à gagner du temps pour que les autres équipes puissent sécuriser le bâtiment même si, en contrepartie… Tu connais la suite ! » Une vive explosion, mon partenaire et moi en situation de détresse et cette belle balafre qui me rappellera de ne plus jouer les héros… Jusqu’à la prochaine fois. « C’était nous, ou plus d’une centaine de personnes… La décision est vite prise dans ces cas-là ! »

Lion veut tout entendre, il veut tout savoir. Partant du principe qu’il n’y a qu’un pas entre la dissimulation d’informations et le mensonge, il préfère que son beau blond lui explique tout ce qui s’est passé durant son intervention de la journée plutôt que d’apprendre des choses horribles par le biais d’autres sources qui pourraient dramatiser la situation.

La vérité ne lui a jamais fait peur. A trois ans on lui a expliqué sa maladie, et il a tout compris. Quand son frère est mort, la police n’a pas pris de gants et a expliqué à la famille comment il est décédé, donnant les détails les plus sordides pour qu’ils ne l’apprennent pas par le biais des journalistes qui en auraient fait les gros titres.

A chaque fois Lion préfère l’honnêteté plutôt que le fait de cacher des choses. D’autant plus que curieux comme il est, il ira fouiner de son côté pour le savoir s’il n’obtient pas satisfaction.  Il sait très bien qu’Addison veut l’épargner, veut faire en sorte de ne pas l’alarmer. Mais plus il gardera d’éléments sous silence, plus il sera alarmé.

Quand le récit commence, il y a cette pointe d’anxiété qui lui ronge le ventre, parce que tout à l’heure il a menti en disant que ce n’était rien, que tout était sous contrôle quand ils étaient dans les flammes de l’enfer qui se déchaînait. Ce n’est pas le fait qu’il prenne sa main qui viendra soulager cette peur qu’il pourrait ressentir à chaque fois qu’il est appelé de toute urgence ou quand il va au travail : jours et nuits. Lion n’est pas sûr qu’il le supportera, et pourtant, cette petite voix lui dit qu’il ne pourrait connaître mieux, et surtout, qu’il ne mérite pas mieux que cet homme qui l’a empli de bonheur depuis leur rencontre.

Et ensuite vient la raison de cet hématome au ventre, de celui qui donne l’impression qu’un de ses organes a explosé, celui qui lui déclenche des vagues de douleur suivant les mouvements qu’il peut faire.

– C’était nous, ou plus d’une centaine de personnes… La décision est vite prise dans ces cas-là !

Oui, la décision est vite prise. Il en est conscient. Il est à la fois si apeuré face à ces décisions, mais il ressent également beaucoup de fierté à l’idée de passer du temps et probablement le reste de sa vie – si dieu le veut – avec lui, avec cet homme qui n’hésite pas une seconde à sacrifier sa propre existence pour préserver celle des autres.

La seule chose que Lion ne comprend pas, c’est comment ils ont pu entreposer autant de produits corrosifs dans un seul endroit, il y a des règles et des normes pour tout cela normalement. Les inspections auraient dû être alarmées, auraient dû sévir. Or, ce n’est pas arrivé et voilà le résultat, probablement des morts et des blessés.

– Il y a une seule chose qui m’horrifie dans cette histoire : que font les services de la protection des employés ? Je veux bien être compréhensif, mais là c’est une faute grave de ne pas avoir confiné les produits corrosifs… l’usine mérite une amende pour avoir mis en danger autant de monde.

Lion et ses idées préconçues, il sait très bien qu’il ne se passera probablement rien pour les dirigeants de cette usine qui a explosé, ils recommenceront ailleurs, ils reconstruiront et referont les mêmes erreurs, à moins que les services publics ne fassent convenablement leur travail.

Et non, il n’y a pas qu’une seule chose qui l’horrifie dans tout ce qu’il a raconté. Le danger auquel il a été confronté lui fait froid dans le dos, mais il ne le lui dira pas, de toute manière Addison doit bien s’en douter, inutile d’en rajouter des caisses.

– Merci d’avoir été honnête, au moins je sais à quoi m’attendre désormais.

Il lui sourit tendrement en venant embrasser à nouveau ses lèvres qui sont un peu sales à cause de la farine de la pâte à pizza ; mais il s’en moque, à la limite, cela lui donne un petit côté charmant.

Attrapant la part qu’il n’a pas encore terminé, il mort dedans à pleines dents en savourant les bouchées savoureuses et en célébrant le fait qu’Addison soit toujours envie malgré les dangers qu’il a pu prendre aujourd’hui.

– Tu sais… je suis fier de ce que tu fais, il y a plus de courage dans ton petit doigt qu’il n’y en a dans tout mon corps.

Il ne veut pas être à plaindre loin de là, il ne fait qu’énoncer une vérité à laquelle il croit profondément. Son adonis est un exemple de courage et de force, et cela l’emplit de joie d’avoir été choisi par un homme tel que lui. D’autant plus que c’est au contraire de lui un homme qui est dévoré par la peur depuis les événements de deux mille onze. Il voudrait pouvoir y échapper, mais ça ne fonctionne jamais. Ghostface est toujours présent près de lui, et il ne pourra jamais lui échapper.

– Pour alléger un peu la discussion, ne t’en fais pas, quand tu iras mieux, je te ferai grimper aux rideaux comme jamais dans ta vie.

Il lui fait un petit clin d’œil tout en terminant sa part de pizza. Le regard de braise veut tout dire, mais il parle de cela pour revenir à ce qu’il disait tout à l’heure avant de parler de danger, de flammes et de destruction.

Je ne sais pas ce que pense Lion, et j’estime que cette blessure est un signe du destin censé me convaincre de ne pas aller trop vite, ni même d’écouter mes désirs qui, pourtant, tentent de se faire entendre par tous les moyens depuis qu’il m’a finalement embrassé. Depuis que nos corps ont appris à se découvrir sous cette première douche enflammée. Tu ne sais pas s’il éprouve réellement du désir pour toi, physiquement. Peut-être est-il tombé amoureux de toi platoniquement. C’est possible, non ? Ce ne serait pas le premier dans l’histoire de l’univers. Le pire dans tout cela, c’est qu’aussi douloureux cela puisse paraitre pour toi et ton appétit fulgurant à l’égard de sa personne… Tu sais que tu saurais te retenir, être ce lion en cage s’il le demandait. T’es complètement dingue de lui, sexe ou non. Malgré tout, l’idée me trotte dans l’esprit et fait grandir une inquiétude que je garde profondément enterrée en moi. Ce pourrait être possible, qu’il soit attiré par ma personne mais pas par mon corps. Il m’a repoussé plus tôt et j’étais véritablement incisif, mais quelque chose dans ses yeux laissait aussi supposer que j’allais définitivement trop vite sous la douche. Il semble gêné à nouveau cette fois et… Tu ne sais plus ce que tu dis, mon vieux. Tu es épuisé, à bout et tu commences à perdre l’esprit.

Toutes ces idées, ces interrogations, ces craintes s’effacent lorsque je commence finalement à lui décrire le déroulement de cette intervention. Je me suis promis de ne rien édulcorer, d’énumérer les étapes les unes après les autres comme si je présentais la situation à mon Capitaine en vue d’un rapport ou d’un contrôle par le département. Je caresse sa main, pour l’apaiser mais également me donner le courage nécessaire pour retourner là-dedans, au milieu des flammes. On pourrait croire qu’avec les interventions et l’expérience plus aucun incendie ne parvient à nous atteindre et pourtant… Il est parfois compliqué de revenir sur certains épisodes traumatiques. On ne se relève pas comme un héros de ces situations, je le prétends, bien-sûr, comme l’ensemble de mes collègues mais nous n’avons pas besoin de mots pour nous comprendre à la caserne. Le temps nous permet de tourner la page, de guérir en ayant la certitude d’avoir pris la bonne décision. Tu t’es engagé pour sauver des vies et pour parvenir à un tel résultat tu dois parfois te mettre en danger. J’acquiesce lorsqu’il mentionne la catastrophe qui aurait pu être évitée, même en cas d’incendie. « Tu as totalement raison. Ils ont enfreint la loi, et pas seulement sur la quantité de produits corrosifs qu’ils avaient au sein de l’usine. J’ai repéré au bas mot trois ou quatre autres infractions lorsque j’étais à l’intérieur du bâtiment. Je ne suis même pas certain que les détecteurs étaient au norme. J’ai consigné le tout dans un rapport, mon Capitaine va monter un dossier en urgence. » Nous ne sommes pas uniquement là pour sauver des vies, nous assurons les arrières des victimes lorsque cela est nécessaire. « Plusieurs personnes sont décédées dans l’incendie. Je ne serais pas surpris que les condamnations pleuvent et qu’un procès se tienne. Ce serait amplement mérité à l’égard de ceux qui n’ont pas survécu. »

Il me remercie et fait s’emballer mon cœur à nouveau en me dérobant un minuscule baiser, bien trop court à mon goût mais suffisamment pour m’apporter la quiétude nécessaire pour aller de l’avant et rebondir, taquin. « Sinon je sauve le chat de vieilles dames lorsqu’ils sont coincés dans les arbres… J’te jure que ça m’arrive parfois. Je passe aussi beaucoup de temps dans les maisons de retraite, nous sommes les premiers à intervenir lorsqu’il y a un problème. Nous nous sommes engagés à le faire gratuitement à la caserne pour les deux maisons de retraite de Springwood. On sait que les frais médicaux ont tendance à compliquer les choses, dans le cas contraire. » Les États-Unis et certaines aberrations en matière de couverture sociale. « Tu serais surpris par le nombre de vieilles dames qui veulent m’épouser ! » Je pouffe de rire en repensant à l’une d’entre elles, cent ans au bas mot et qui continue de rêver. Je la dragouille parfois volontairement, son sourire en vaut largement la peine.

« Tu parles… Tu combats la maladie comme un superhéros, tu es une leçon de résilience, de joie de vivre… Tu es passionné, investi pour ces jeunes enfants qui n’ont plus personne. Tu es nettement plus courageux que moi ! » J’admire ce qu’il fait à l’orphelinat, je l’admire tout court. Il est une leçon de vie et un exemple à suivre au quotidien. Lui aussi œuvre pour les autres. Son ultime bafouille me fait sourire, soudain très intéressé. « Ah oui ? Et comment tu comptes t’y prendre, le moment venu ? J’ai le droit à un aperçu ? »

Si tout le monde était à cheval sur la sécurité et sur les règles, il y aurait bien moins d’accident et de dangers partout dans le monde. Lion n’est pas un exemple à suivre, en terme de sécurité il n’est pas le meilleur. Seulement, il n’y a pas à tortiller du cul pour comprendre que l’usine était en tord sur bien des niveaux et ce qu’Addison explique donne de l’espoir pour qu’un tel accident ne se reproduise pas autour de Springwood. Les pompiers n’ont pas que ça à faire d’aller observer chaque usine pour cela, et malheureusement, c’est ce qu’ils vont devoir faire, conjointement avec les services de protection.

Il aimerait que le monde soit plus sûr pour tout un chacun, mais ce n’est pas le cas, entre les dangers extérieurs, la maladie et le danger que l’on s’inflige tout seul, il n’y a qu’un pas pour passer à trépas. Sans mauvais jeu de mots d’ailleurs. Mais dans tous les cas, il est révolté par tout cela, par l’idiotie de l’être humain.

C’est pour cela que Lion aussi regarde Addison avec cette fierté immanente dans son regard. Le courage dont il fait preuve à chaque fois qu’il retourne dans la caserne est une source d’admiration pour tous. Certains ne le voient juste pas, ou n’y font absolument pas attention, trouvant cela normal. Oui, c’est leur travail, mais non ils n’ont pas à passer derrière la bêtise humaine, ce n’est pas pour cela qu’ils sont payés.

Pourtant, c’est le beau blond qui vient signaler le courage du malade, qui lutte chaque jour pour tenter de l’éloigner et de vivre malgré tout ce qu’il peut endurer depuis sa plus tendre enfance. Mais ce n’est pas ce qu’il ressent, il ne s’agit pas de courage, il s’agit simplement d’endurer et de vivre avec, ce n’est pas comme s’il avait le choix, alors que lui l’a.

Voilà pourquoi il tente de détourner le sujet vers autre chose, parce qu’il n’aime pas parler de sa maladie ou des problèmes qui résultent de la mort de son frère il y a neuf ans. C’était une période de sa vie qu’il préfère passer sous silence et ce qui le fait souffrir au quotidien.

Le sujet du sexe revient sur la table, parce qu’il y a cette envie de se découvrir, les êtres humains qui ne sont pas asexuels ont toujours ces besoins primaires, et c’est naturel. Lors de ses études, Lion a eu des cours de psychologie de l’adolescence et de l’adulte, les résultats des recherches montrent que tout le monde a besoin de sexe. Ce n’est pas mal, au contraire, c’est tout à fait naturel voire normal. Voilà pourquoi il essaye de le mettre dans l’expectative d’un moment à venir.

– Ah oui ? Et comment tu comptes t’y prendre, le moment venu ? J’ai le droit à un aperçu ?

Lion se met à réfléchir, il sait très bien comment s’y prendre, son cerveau fourmille de milles idées qu’il voudrait mettre à exécution. Seulement, la blessure qu’il a au ventre risque de ne pas être compatible avec ce qu’ils ont en tête tous les deux. Dans tous les cas, il ne rêve que d’une chose, le faire décoller au septième ciel.

Un aperçu ne pourrait pas lui faire vraiment de mal si ? Il y a des choses qui pourraient mal tourner et il n’a pas vraiment envie de lui faire plus de mal qu’il ne souffre déjà. Ce n’est peut-être pas une bonne idée en soi, et pourtant il n’y a pas d’envie plus forte chez lui, à part peut-être de l’embrasser fougueusement.

Il s’approche de lui, grimpant au dessus de son corps tout en faisant attention à ne pas venir appuyer sur son hématome, glissant ses lèvres vers une de ses oreilles pour venir lui susurrer quelques mots.

– As-tu été sage au moins ?

Il lui sourit avant de lui lécher le cou en remontant vers son lobe qu’il mordille sensuellement avant de passer une de ses mains sur la bosse de son jogging, cherchant à titiller ses instincts les plus bestiaux. Sauf qu’il sait très bien qu’il y a d’autres enjeux et qu’il ne faut pas aller trop loin au risque de le blesser bien plus, et ça il en est hors de question.

Lion se recule alors en attrapant une part de l’autre pizza tout en le regardant avec ce sourire en coin et ces yeux de braise. L’éducateur aurait eu envie d’aller plus loin avec le pompier qui l’attire inexorablement, mais ce n’est pas possible, pas maintenant.

– Voilà comment je ferais pour m’y prendre au tout début, le reste  attendra, tu sais très bien ce que je te réserve.

Il finit même par croquer dans sa part de pizza tout en le regardant de façon amusée.

Même si je ne travaille pas demain et que le Capitaine m’a mis au repos forcé le temps de récupérer, je sais qu’il n’hésitera pas à me réquisitionner pour aller faire un tour à l’usine. Rien d’illogique, il est souvent demandé aux pompiers étant intervenus de revenir sur les lieux du crime pour identifier les défaillances repérées pendant l’intervention. Une analyse, après coup, est très souvent nécessaire sur des appels comme celui-ci. Il n’y a aucun doute à avoir sur la responsabilité de l’usine, le quota de produits extrêmement corrosifs a été largement dépassé, explosé dirais-je même sans vouloir m’adonner à ces jeux de mots qui, pourtant, sont de circonstance. Je me suis déjà porté volontaire pour retourner sur les lieux et même s’il a levé les yeux au ciel et employé quelques injures à mon encontre pour qualifier mon entêtement et mon inconscience, je suis quasiment certain qu’il décrochera son téléphone sous quarante-huit heures pour me proposer d’y aller à ses côtés. Il ne me laissera pas seul là-bas, bien trop soucieux du bien-être de son équipe, et je le connais par cœur. Il trouve toujours une excuse pour prendre la température à l’abri du regard des autres après une mauvaise blessure ou sur une enquête plus poussée comme celle-ci. Cet homme est un exemple pour tous, le pompier qui nous aimerions tous être capables de devenir. Il a gravi les échelons les uns après les autres sans jamais vendre son âme au diable. J’espère arriver à lui faire honneur, dans quelques années, lorsque l’opportunité de monter en grade se présentera à moi.

Percevoir une telle fierté dans le regard de mon petit-ami, ça a quelque chose de grisant, d’extrêmement plaisant. Je ne me suis pas engagé pour impressionner les autres, je suis même le premier gêné lorsqu’on m’inonde de compliments mais Lion… Avec lui c’est différent. À côté de lui, je fais néanmoins tâche dans le paysage. Il aurait plutôt tendance à être cette muse, ma muse. Celui dont le courage m’inspire quotidiennement et me pousse à me dépasser, à ne jamais me plaindre de ma condition. Je ne l’ai jamais entendu partager la moindre pensée obscure, il ne baisse jamais les bras et se concentre toujours sur l’aspect positif des choses. Il aurait pourtant largement de quoi baisser les bras. La maladie, Woodsboro, la perte de son frère… Il n’a pas été gâté par le passé et j’espère que la roue est finalement en train de tourner. Tu te sens terriblement prétentieux de penser que ta présence pourrait contribuer à le rendre heureux. Tu espères que tu auras la force et les idées pour parvenir à le faire se sentir aussi bien que toi, là, à cet instant, les yeux captivés par son regard. Et puis il ose, diable qu’il est, se rapprocher, me chevaucher, à califourchon avec une douceur qui ne peut que lui aller à ravir. Il prend soin d’éviter de trop s’appuyer à mon torse pour ne pas me faire mal malgré les appels d’un bassin qui rêverait à des mouvements nettement plus langoureux. Je m’enflamme malgré moi, ramené à ma faible condition lorsqu’il ose me mettre la main au panier. Je grommelle, surpris et très excité à la fois et me retrouve victime d’une douche froide lorsqu’il décide de battre en retraite, me laissant seul face à… Tu n’as pas besoin de lui faire un dessin. Ton jogging se déforme sous l’effet du désir, tu es à la fois honteux et très amusé de l’aguicher visuellement avec ta virilité. Tu as très bien cerné ses yeux qui s’aventurent là, au plus près de ton intimité. « Je ne suis jamais sage, toujours très vilain. Du genre à avoir besoin d’être puni ! » J’ai ce sourire mutin qui veut tout dire. Je n’ai plus faim de cette pizza et dieu seul sait ô combien il est difficile de se rafraîchir les idées, de penser à autre chose lorsqu’il est si proche. « Tu devrais avoir honte de toi, de me mettre dans un tel état… Bouh ! » Je m’apitoie en me laissant aller en arrière, non sans accuser le coup. « Je crois que l’heure est venue de passer à l’étape supérieure. » Je me redresse et ouvre le tiroir de la bibliothèque pour en sortir une plaquette de comprimés censés atténuer la douleur. « Je risque de tomber comme une mouche, tu ne m’en voudras pas ? »

Ce que Lion a montré n’est qu’une petite parcelle de ce qu’il aurait pu faire pour donner de mauvaises idées à Addison, il faut dire que le but n’est pas non plus de l’exciter comme une puce à tel point qu’il n’y a pas de retour en arrière possible, loin de là. Ce ne serait pas une bonne idée étant donné l’état physique du pompier, il y aurait trop de risques et il n’a pas envie de devoir terminer sa journée à l’hôpital, il a déjà assez donné dans toute sa vie pour les chambres blanches immaculées.

Non, il ne lui a donné qu’un petit avant goût pour qu’il puisse se figurer de quoi il parlait afin qu’ils puissent être sur la même longueur d’ondes. Lion n’est pas quelqu’un qui extériorise beaucoup par la parole, il préfère les actes aux mots, ce qui parfois peut paraître comme de l’indifférence pour lui est en réalité une incapacité émotionnelle à parler. Cela lui a déjà joué des tours dans la vie, mais que voulez vous, on ne rend pas un âne cheval de course.

– Je ne suis jamais sage, toujours très vilain. Du genre à avoir besoin d’être puni !

Le brun se met à rire, voyant très bien de quel genre de punition il veut parler, et cela pourrait lui donner des idée pour une prochaine fois. Sa mémoire enregistre cette information parce qu’elle est précieuse et en dit beaucoup sur les goûts de son… petit ami ? Rien que de formuler cette pensée, cela lui fait bizarre mais en même temps le remplit d’une joie presque extatique.

– Tu devrais avoir honte de toi, de me mettre dans un tel état… Bouh !

Il aurait eu honte si c’était lui qui avait décidé de faire cela tout seul, or ce n’est pas le cas. Addison le lui a demandé, il lui a demandé un petit avant goût, et le voici, maintenant il n’a qu’à prendre son mal en patience, tout faire pour ne pas se blesser par dessus son l’hématome qu’il a à l’abdomen et peut-être qu’il n’aura pas son mal à patienter pendant très longtemps.

Il faut dire que Lion aussi devra faire en sorte de ne pas brûler les étapes, parce que même s’il ne le montre pas toujours, le plaisir charnel est quelque chose qui l’attire inexorablement. Il n’a pas connu beaucoup de partenaires, ainsi donc son expérience n’est pas très développée dirons-nous. Pourtant les films pornographiques et l’entraînement personnel ont pu lui servir pour tout cela. Quoi qu’il en soit, il ne veut pas faire ça ce soir, pas vu l’état actuel du blond qui a l’air de souffrir.

– Je crois que l’heure est venue de passer à l’étape supérieure.

Lion ne comprend pas de quoi il veut parler. Alors il le regarde se lever, non sans distinguer une petite grimace de douleur sur son visage et Addison part chercher quelque chose dans un des tiroirs de la bibliothèque. Des comprimés, apparemment du genre ultra efficaces pour la douleur vu le nom qu’ils portent.

Il n’est pas médecin, mais il se doute que ça ne doit pas être à prendre à la légère, grimaçant légèrement en le voyant revenir s’asseoir, il lui donne un verre d’eau pour qu’il puisse avaler les cachets rapidement.

– Je risque de tomber comme une mouche, tu ne m’en voudras pas ?

– Pourquoi je t’en voudrai de vouloir calmer la douleur que tu ressens ?

Non mais cette question est un peu idiote là il faut dire. Le laissant faire, il en profite maintenant pour se lever à son tour et aller prendre les siens, contre ses vertiges et incite Addison à se lever à nouveau pour qu’ils aillent se mettre au lit.

– Va dans ta chambre, je te rejoins, de toute façon demain j’ai une dure journée de travail, donc autant être en forme.

Ce n’est pas totalement faux, ils accueillent un nouvel enfant à l’orphelinat, et autant dire qu’il y a toujours une masse de choses à faire et à prévoir quand cela arrive. Cette fois-ci, il s’agit d’un abandon pur et simple, les parents ne voulant pas de leur enfant âgé de un an. Dire que ces enfoirés ont le droit de se reproduire pour faire ce genre de choses là et que certains couples homosexuels rêveraient de pouvoir avoir des enfants, ça le révulse profondément.

Attrapant le carton de la pizza restante à laquelle ils n’ont pas touché, il va le mettre dans le frigidaire avant d’aller dans la salle de bain pour… putain, il n’y pas de brosse à dents pour lui… tant pis, il fera avec son doigt, hors de question de ne pas le faire.

Au bout de quelques minutes, le voilà qui rejoint Addison dans la chambre avant de se mettre entièrement nu, oui, il n’aime pas dormir avec un boxer comme la plupart des hommes, il aime aérer son matériel, d’autant plus que c’est beaucoup mieux pour les gonades que de ne pas les comprimer toute la journée.

– Oui, je dors nu.

Il a bien vu le petit regard d’Addison, à la fois choqué, amusé et un peu excité peut-être. Lion se glisse sous les draps, dont il n’a pas l’habitude pour venir se blottir tout contre le beau blond tout en venant l’embrasser tendrement. Cette nuit de sommeil lui sera très probablement très réparatrice.

– Je t’aime Addison...