(Addison) nightmare between your legs

depuis combien de temps vivez-vous à springwood ?
Depuis toujours. Mis au monde ici, par des parents qui n’ont jamais quitté Springwood si ce n’est le temps de quelques vacances. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir les moyens de viser plus grand, de partir à la conquête qu’un quelconque rêve Américain… Je crois qu’ils s’accrochent surtout à ce sentiment de sécurité qu’ils éprouvent lorsqu’ils mentionnent les environs. Je ne suivrais probablement pas le même chemin qu’eux, même si j’aime profondément cette ville dans laquelle j’ai construit la majorité de mes meilleurs souvenirs. Abandonner mes amis sera un crève-cœur, mais j’ai le sentiment que mon destin est ailleurs, qu’il me faut voir plus grand. Je le ferais, quand je serais prêt à déployer mes ailes et à aller de l’avant.

avez-vous entendu parler des étranges histoires que l'on raconte en ville sur le tueur de crystal lake, du tueur en série d'haddonfield ou encore du tueur pédophile mort brûlé dans les années 80 ?
Si j’ai entendu parler de ces histoires ? Quel adolescent de Springwood ne s’est jamais fait peur avec toutes ces légendes urbaines. Mes amis et moi, nous avions pour habitude de nous retrouver pour des soirées nuits blanches lorsque nous étions au lycée. Ces événements étranges et complètement glauques ponctuaient nos conversations. Je me demande combien de cauchemars nous avons pu alimenter avec toutes ces histoires. Je n’ai jamais eu aussi peur que lorsque nous avons convaincu nos parents de nous autoriser à partir faire du camping dans la forêt près de Crystal Lake le week-end d’Halloween. Nous étions une dizaine et pourtant, nous ne nous sommes jamais sentis aussi seuls de toute notre vie. Quelque chose là-bas était vraiment effrayant, pesant… Je n’ai jamais été refaire du camping en forêt depuis. Allez savoir pourquoi.

de quoi avez-vous peur ? commencez-vous à faire d'horribles cauchemars ?
Mes peurs les plus viscérales sont liées à mon métier. Être pompier (paramédic en caserne, plus spécifiquement, même si la frontière est trouble et que j’interviens aussi bien en qualité de pompier que de paramédic depuis quelques années) t’expose à des situations périlleuses qui te poursuivent parfois jusque dans ton lit. Ces derniers temps, deux cauchemars récurrents ne cessent de m’accabler. Dans le premier d’entre eux, je suis prisonnier d’un immeuble assailli par les flammes. Pris au piège dans une pièce sans aucune issue, je n’ai plus assez d’oxygène et j’étouffe, lentement mais surement. Les flammes se rapprochent et je comprends que si l’inhalation ne me tue pas en premier, ce sont les brulures qui le feront. Dans le second, je tente par tous les moyens de sauver cette femme qui s’enfonce sur le trajet nous conduisant à l’hôpital. Victime d’un mauvais accident de voiture en plein milieu d’un orage, elle saigne abondamment et, alors que je parviens enfin à la stabiliser, l’ambulance est percutée par une camionnette sur un pont. Nous traversons la rambarde et nous nous retrouvons rapidement prisonniers d’une ambulance qui sombre au fond de l’eau. Je frissonne rien que d’en parler, mourir noyé, l’une des façons les plus horribles de quitter ce monde.

Sirène qui hurle aux passants de prendre de la distance, intime aux usagers de libérer la route au maximum pour que nous puissions nous engager sans perdre une minute et l’adrénaline, qui à chaque seconde grimpe davantage. Son ascension est lente, contrôlée et empêche mes mains de se mettre à trembler. Chaque nouvel appel, chaque nouveau feu et j’ai l’impression de revenir à ma toute première fois. Ce n’est pas si loin que ça, deux années, et j’apprends toujours à encaisser les coups, à ne pas réagir comme un quidam devant l’immensité d’un brasier à l’allure aussi splendide qu’intimidante. Tu es un professionnel, tu ne crains pas cette grande dame qui de ses braises menace de t’enflammer à n’importe quel instant, tu ne recules pas devant cette figure surnaturelle et sensuelle qui, de sa chaleur étouffante, t’invites à t’abandonner à elle. Tu n’es pas fasciné, ni même sous le charme. Tu viens pour mettre fin à sa domination, tu réduis sa conquête en cendres et transforme ce qui pourrait être ton cauchemar en le sien. Frissons, au moment d’arriver sur la scène du crime. Un immeuble vieillot, la définition même de ces structures que l’on dissimule aux autorités compétentes, notre analyse révèlera des tas d’anomalies, un océan d’infractions qui auraient pu éviter les conséquences désastreuses auxquelles nous faisons face aujourd’hui. « Wilcox, Awaere, vous prenez en charge les blessés, prêtez main forte aux unités déjà présentes avant notre arrivée. Ross, Quarell, rejoignez les camarades déjà en place pour étouffer les flammes, faire reculer cette saloperie de feu au maximum et nous gagner du temps… Baker, Opray et Ripley, vous venez avec moi à l’intérieur, deux autres équipes vont se charger d’explorer les premiers étages de l’immeuble, nous nous chargerons des deux derniers. Un autre groupe va être dépêché sur le toit pour créer une cheminée. Nous ne voulons pas être à l’intérieur lorsqu’ils l’ouvriront. GO GO GO ! » Il a toujours eu un charisme fou, notre Capitaine. Une posture solide, une voix porteuse, une attitude sévère et bienveillante à la fois. Une oreille attentive et menaçante qui pousse à aller de l’avant sans regarder vers l’arrière. Je n’aurais pu rêver mieux, meilleur exemple. Tu n’oublieras jamais ce qu’il a dit, la semaine dernière… Il est persuadé que tu feras un excellent lieutenant… Toi, tu n’avais jamais pensé à cela… Tu pensais être trop jeune, trop expérimenté et pourtant… Lorsque le moment sera venu, pourquoi pas toi ? Tout le monde s’active, le feu gagne en densité et nous n’avons plus de temps à perdre.

L’équipement que nous portons à bout de bras est lourd, mais il ne m’empêche pas d’avancer, de conquérir cet immeuble, de presser le pas dans cette cage d’escalier. « Baker, avec moi. » Nous sommes habitués à ce genre de scénarios. Le Capitaine et Opray exploreront le dernier étage pendant que nous nous occupons de celui-ci. Nous entrons et déjà la chaleur nous assaille. Les minutes sont comptées, nous ne devons pas trainer. « POMPIERS, POMPIERS. HURLEZ SI VOUS ÊTES LÀ, UTILISEZ CE QUE VOUS AVEZ À DISPOSITION POUR FAIRE DU BRUIT ! » Premier appartement vide, vérification précise de l’ensemble des pièces, de l’ensemble des cachettes éventuelles. « Ripley, j’ai quelqu’un ici ! » Appartement au bout du couloir. Gorgé de fumée, de flammes… « Baker, le plafond commence à s’affaisser… » Je n’ai pas besoin d’en dire plus, elle sait… Elle aussi, elle a compris que d’ici quelques secondes, minutes dans le meilleur des scénarios, nous serons prisonniers de cet endroit ainsi que des décombres de l’appartement supérieur si nous ne bougeons pas au plus vite. « Capitaine, le plafond de l’appartement 619 menace de s’effondrer. Soyez prudents là-haut ! » Une pause pour analyser les environs, pour chercher l’origine de cette voix que nous entendons. « Là ! » Un craquement, menaçant. Elle nous observe de là-haut, prête à s’abattre sur nous. « Derrière-moi ! » Un coup de pied dans cette porte qui, éprouvée par la chaleur, s’ouvre en un rien de temps. Nous entrons. Craquement maudit, mauvais présage. Une explosion et tout s’écroule devant nous. Regardes-là, nous narguer de l’autre côté de cette porte obstruée. Vous êtes prisonniers, faits comme des rats ! La danse est perdue, tu le sais déjà. Aucune fenêtre, des débris bien trop imposants pour être déplacés, des flammes qui gagnent en amplitude à en juger par l’épaisse fumée noire… Tu as perdu, Baker et toi, vous avez perdu… Et cette femme, apeurée… Elle l’a compris bien avant toi. « Ici Ripley et Baker… Nous sommes en présence d’un civil… Nous sommes coincés, aucune issue possible, demande d’assistance ! Je répète, demande d’assistance ! » Les murs sont brûlants, je ne vois plus grand-chose, pas même ma partenaire, à terre. Elle a abandonné son masque à notre victime. « À toutes les équipes, nous descendons avec quatre civils. Je répète, avec quatre civils ! Baker, Ripley... Tenez bon. » Les civils sont une priorité, nous sommes là pour eux, après tout. J’abandonne mon casque momentanément pour soulever mon masque et le retirer de mon visage, couvert de suie.  « Baker, prends le mien pour un moment, respire ! » J’étouffe avec, de toute manière. Son regard se plante dans le mien et me percute. Elle l’a compris, elle aussi. Ils n’arriveront pas à temps… Ils n’arriveront pas, tout court. L’immeuble est compromis. Soudainement, plus aucun équipement, plus aucun uniforme, plus aucune collègue, plus aucune victime. Je suis seul, au milieu de ces flammes. Nu, complètement nu. Tout s’embrase autour de moi, contre moi, ma peau brûle… Elle est carbonisée, je m’enflamme et je jurerais le voir, l’apercevoir l’espace d’un instant. Quelle est cette figure brûlée à de multiples degrés ? Est-ce même humain ? Son rire, perçant, me refroidi le sang. Il approche, et j’hurle…

Yeah, I'm gonna take my horse to the old town road. I'm gonna ride 'til I can't no more. I'm gonna take my horse to the old town road. I'm gonna ride 'til I can't no more. 07:30… Il est temps, temps de se réveiller.